Il fut un temps auquel nul ne puisse échapper... Un temps de détresse, dans un monde aussi sombre et hostile que les pupilles du Destin: une brume dense; la Folie sonnant aux portes, emportant avec elle des victimes dépravées, engloutissant tout espoir, ne laissant que mal-être et désarroi. Là-bas, de macabres fourberies se mêlèrent à l'honneur et à l'honnêteté des esprits.
Un contexte si sec et si rude pour accueillir un personnage singulier...
Être éloignée des siens, ne pouvoir mourir par la douleur physique... Domadora abandonna tous sens, au plaisir des vices rongeurs. Solitude, Déprime, Douleus et Folie pour seuls funestes compagnons, « la Dresseuse », autrefois joyeuse et adulée sombra dans un monde insoupçonné des êtres heureux… Son corps toutefois bien présent fut projeté dans celui des mortels… Les protégés que celui-ci eut longtemps soignés cessèrent de protester contre cette apparente injustice. Certains accablés par la tristesse disparurent en une nuée de larmes, dévorés par l’acide du désir de vengeance.
Ainsi, les jours, les mois, les années passèrent… atténuant des pouvoirs durement acquis. La chaire, bien que dénuée de volonté lutta pour survivre en se détachant de cet esprit si tourmenté. Corps et âme se séparèrent donc, l’un persistant dans l’espoir, l’autre dans la fatalité.
Un jour, le corps sans vie, sortant de son antre de pierre creusée à même la falaise découvrit la futilité. Elle avait faim, froid et tremblait dans la nuit noire, écoutant les bruits des remous d’une mer certainement morte, et les cris des abominations qui pupulaient sur cette île à la terre aride et poreuse. Les ombres se pressèrent autour de ce nouveau-venu. Goules et vampires approchèrent afin que tous puissent goûter à cette femelle aux écailles bleues et lumineuses, et à la queue fourchue.
Un Comte, à l’allure aussi charismatique qu’horrifiante s’avança, arborant une cape aux reflets de Lune. Cet empereur de la nui, au passé si violent et meurtrier vu soudain par le biais d’un sortilège draconique son cœur battre, touché par la profondeur de l’âme absente d’un corps si harmonieux. Une chauve-souris s’éleva, abattant sur le coup cette source de bonté. Bravant les instincts naturels de ses congénères, l’envoûté ramena et soigna avec persévérance ce corps frêle nuit après nuit, lui redonnant vigueur. L’âme de cette silhouette ne put ignorer longtemps l’acharnement qu’on lui offrait soudain et réintégra son corps.
Retrouvant ses yeux, l’esprit de Domadora s’éveilla enfin, et reçu les images de sa rencontre avec les créatures. Reconnaissant un de ses anciens amis se faire abattre, elle ne sut retenir ses larmes. Etonnamment, le Comte, pourtant libéré de l’enchantement à ce moment-même alla conforter « la Dresseuse », séchant son visage des gouttes abondantes qui le parcouraient. Il sut lui redonner un véritable espoir, une véritable vie, ainsi qu’une confiance et un bonheur incalculables.
Cependant, devant ce plaisir acquis injustement à leur goût, les dieux éliminèrent toute trace d’une nouvelle vie pleine de promesses. Mais le Comte, averti par Domadora de leur fourberie réfugia son âme dans le fouet de sa compagne afin de la suivre et de la protéger au long de ses périples qu’elle lui avait promis. « L’outil » devint donc relique, et fut ornementé du blason du Vampire : une chauve-souris au clair de Lune.
Extrait du livre des "Légendes oubliées", chapitre des "Héros formidables"